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CEMAC : Quelles perspectives pour l’intégration économique en Afrique centrale ?


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L’intégration économique de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) reste, à ce jour, un chantier inachevé. Malgré un cadre institutionnel ambitieux – une monnaie commune, un Tarif Extérieur Commun (TEC), des accords de libre circulation des personnes et des biens – la région accuse un retard persistant par rapport à d’autres ensembles africains comme l’UEMOA ou la SADC. Le commerce intra-CEMAC représente moins de 5 % du total des échanges de la région, un chiffre bien inférieur aux 15 % enregistrés en Afrique australe ou en Afrique de l’Ouest. Ce constat interroge sur les blocages structurels qui entravent la dynamique d’intégration et sur les leviers à activer pour faire de la CEMAC un véritable marché intégré et compétitif.

 

L’un des principaux freins à l’intégration économique en Afrique centrale réside dans ses infrastructures déficientes. Les corridors de transport censés connecter les économies nationales sont souvent en mauvais état, congestionnés par une bureaucratie excessive ou entravés par l’insécurité. Le corridor Douala-N’Djamena, vital pour le commerce entre le Cameroun et le Tchad, illustre ces défis : multiplicité des contrôles routiers, barrières non tarifaires, lenteur des procédures douanières. La modernisation de ces infrastructures, couplée à une facilitation accrue du commerce et une harmonisation des réglementations, apparaît comme une priorité incontournable pour stimuler les échanges régionaux.

 

Un autre défi majeur est la place prépondérante du secteur informel dans les économies de la CEMAC. Plus de 90 % des travailleurs de la région exercent dans l’informalité, que ce soit dans l’agriculture, le commerce ou les services urbains. Ce secteur, bien qu’essentiel à la résilience économique des populations, échappe largement aux mécanismes d’intégration formelle et aux avantages potentiels du marché commun. Encourager une transition progressive vers le formel, en simplifiant les démarches administratives, en facilitant l’accès au crédit et en instaurant des incitations fiscales adaptées, pourrait permettre à ces acteurs de mieux s’intégrer dans la dynamique économique régionale.

 

Le développement du secteur privé régional, notamment à travers les PME et les MPME, constitue un autre levier stratégique. L’absence de champions industriels régionaux et la fragmentation des chaînes de valeur limitent la transformation locale des ressources et maintiennent la CEMAC dans une posture de dépendance aux exportations brutes. La création de pôles industriels transnationaux le long des corridors économiques, associée à des politiques d’investissement concertées, pourrait favoriser l’émergence d’une industrie régionale compétitive. De même, une meilleure intégration financière, via la dynamisation du marché des capitaux et la facilitation des paiements transfrontaliers, offrirait aux entreprises locales un environnement plus propice à l’expansion intra-CEMAC.

 

L’intégration numérique représente une opportunité encore sous-exploitée. L’essor du mobile money et du e-commerce informel démontre que le numérique peut accélérer l’inclusion financière et commerciale, en particulier pour les entrepreneurs du secteur informel. La digitalisation des procédures douanières et la création de plateformes régionales de mise en relation des entreprises pourraient fluidifier le commerce intra-régional et réduire les coûts de transaction. Toutefois, cette transition suppose un investissement massif dans les infrastructures numériques et une harmonisation des cadres réglementaires.

 

L’intégration régionale ne peut être envisagée sans une approche plus volontariste des États membres. Trop souvent, les décisions prises au niveau communautaire tardent à être appliquées sur le terrain, faute d’engagement politique réel. Une coordination plus efficace entre les États, accompagnée d’un renforcement des institutions régionales, est indispensable pour garantir la mise en œuvre effective des réformes. L’expérience de l’UEMOA, qui a su imposer des mécanismes de surveillance macroéconomique et harmoniser ses politiques commerciales, offre des enseignements précieux à cet égard.

 

À l’heure où la ZLECAf redessine le paysage économique africain, la CEMAC ne peut plus se contenter d’une intégration nominale. Les opportunités sont réelles : une population jeune et dynamique, des ressources naturelles abondantes, une position stratégique entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique australe. Mais elles ne se concrétiseront qu’à condition de surmonter les blocages actuels et d’adopter des politiques audacieuses en faveur de la fluidification du commerce, du développement des infrastructures et du soutien au secteur privé. L’avenir de la CEMAC dépendra de sa capacité à transformer ses institutions en outils efficaces et à ancrer son intégration dans l’économie réelle.

 
 
 

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